Rétention
et expression des émotions
On
a
confiance dans ce qu’on connaît. Pour
connaître, il faut avoir pu rencontrer,
avoir pu établir une relation. Avoir
confiance en soi, c’est donc se connaître et
pour cela se rencontrer, établir une
relation avec soi. La base de cette relation
est informative.
« Laisser
entrer
et sortir les informations sur soi. »
Les
informations
qui sortent le sont au travers de
l’expression de soi : expression de ses
désirs, opinions, besoins, émotions… Et la
personne timide a quelques difficultés a
faire cela, alors qu’éthymologiquement,
émotion vient de e movere, qui veut
dire « sortir ». Une émotion est
faite pour sortir. Retenue,
elle
mène à l’angoisse, à la perte de contrôle
inéluctable.
D’où
vient
ce phénomène de rétention des
émotions ?
Les
explications
peuvent être nombreuses. Prenons ici
l’exemple de la peur, phénomène central de
la timidité ou de toute manifestation
anxieuse. Les émotions expriment les besoins
essentiels de l’individu. Par définition, la
peur exprime le besoin d’être rassuré. Mais
rassuré sur quoi ? La personne timide vit un
profond décalage entre la réalité souhaitée,
absolue (ce que je voudrais / devrais être)
et la réalité ressentie, posée comme réel
(ce que je pense être). Le doute s’insinue à
ce niveau : « je devrais être ainsi et je
suis comme ça ». Le monologue intérieur de
l’anxiété sociale naît de cette dichotomie :
« On parle pour dire des choses
intelligentes, et je n’ai rien d’intéressant
à dire »… De même pour l’anxiété de
performance (trac) : « je devrai pouvoir
faire cela, et je ne vais pas y arriver… ».
Au
moment
de
l’enfance, le décalage est profondément
vécu, ressenti. D’où la peur et le besoin
d’être rassuré. Mais c’est aussi la période
où on est le plus apte à ancrer un
comportement inadapté. Au moment du doute,
de la peur ou de l’émotion, il va y avoir
schématiquement deux options :
1)
L’enfant, l’adolescent exprime
ces doutes, sa peur, son besoin d’être
rassuré. Il trouve des interlocuteurs
suffisamment nombreux pour l’écouter et le
rassurer. Le doute s’atténue, pour
disparaître avec la répétition des
réassurances.
2)
L’enfant, l’adolescent n’exprime
pas ses émotions, ne trouve pas
d’interlocuteur attentif… ou pas
d’interlocuteur du tout. Le doute se
développe, jusqu’à la peur voire la phobie.
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Comment
en vient-on à ne pas exprimer ses émotions
?
L’élément
le
plus important est culturel, social :
-
Exprimer ses émotions, c’est
être faible : « Tu es un homme. Un
homme ne pleure pas ».
L’enfant ne va pas être écouté, on va
plutôt l’ « endurcir
pour son bien » : « Tiens-toi, on
nous regarde », « Tu es grand maintenant,
arrête ton cinéma»… La peur d’un enfant est
souvent mal perçue, mal vécue, mal négociée,
sans doute d’ailleurs parce que l’adulte
lui-même n’a pas complètement aplani ses
propres difficultés et que lui-même a encore
un peu peur de ceci ou de cela.
-
Notre société est rationnelle,
scientifique. Nulle place donc pour
l’irrationnel : « Comment peux-tu avoir
peur !», « Tu n’as aucune raison de
craindre ces personnes», « Tu perds la
raison ! »…
Face
à
ces
réactions, nouveau dilemme (par nature
insoluble) pour l’enfant ou l’adolescent :
exprimer ses émotions et perdre l’amour de
ses parents ou garder ses peurs qui,
intériorisées, ne vont faire que croître et
embellir. Dans la réalité, il y aura souvent
va-et-vient entre ces deux options, aussi
insatisfaisantes et nocives l’une que
l’autre.
Et
puis,
au
fil du temps, cette genèse s’efface et pour
une raison profonde qu’il ignore, quelqu’un
de timide ne s’exprime pas de peur par
exemple de paraître égocentrique, faible ou
égoïste. Mais reconnaissons qu’il y a une
belle marge de la timidité à l’égocentrisme.
Et que pouvoir exprimer ces émotions
constitue plutôt une force (comme en
témoigne la quantité de personne qui a des
difficultés à le faire). Dans tout système
de communication interpersonnel, il y a la
place pour une expression salutaire et
pondérée de soi dans le respect de l’autre.
Ce que l’on nomme affirmation de soi :
« Je »
+
sincérité + émotion »
L’expression
de
soi est une compétence qui peut s’initier
hors des situations problématiques pour se
développer et devenir un outil de gestion de
l’anxiété.
« J’identifie
mes
besoins, désirs, émotions et je les
exprime »
Abordons
simplement
ici trois entraves à l’expression des
émotions fréquemment rencontrées :
1)
Un des freins à l’expression des
émotions est due à une image déformée
de celle-ci. L’expression des émotions est
souvent perçue comme une espèce de
débordement émotionnel. Mais il n’y a
justement débordement émotionnel que quand
on retient ses émotions. Il s’agit de
l’effet « cocotte minute ». Si une
émotion est exprimée au moment ou elle est
ressentie, sans retard, il n’y a pas
débordement émotionnel.
« Si
j’exprime
au moment où je ressens, il n’y a pas
débordement ou perte de contrôle »
2)
L’expression
des émotions peut également être considérée
comme un conflit potentiel. Il y a
souvent confusion entre expression des
émotions (« Je ne comprends ») et
déclaration de guerre (« Ce que tu dis
est incompréhensible »). Quand on
s’exprime, on parle à la première personne.
Le « tu » est synonyme de conflit
(on parle pour l’autre, qui effectivement ne
va pas apprécier, les informations vont être
déformées…)
« Si
je
respecte la forme je + sincérité +
émotion, cela se passera bien »
3)
Enfin,
comme
évoquée plus haut, il
y
a une croyance assez répandue qui dit
qu’exprimer ses émotions, sa sensibilité,
c’est être faible. C’était peut-être
vrai dans l’univers des cow-boys. C’est en
masquant (sans succès) des failles que l’on
se sent vulnérable. Si on s’exprime
librement, il n’y a plus de faille.
L’expression de soi est une force, non une
faiblesse. D’ailleurs, s’il s’agit d’une
faiblesse, pourquoi tant de gens ont-ils du
mal à le faire ?
Ce
domaine
de l’expression de soi à travers entre
autres l’affirmation de soi, le
développement des compétences sociales, sera
développé plus loin.
Mais
la
connaissance
nécessaire à la confiance en soi n’est pas
essentiellement psychologique. Le premier
support de chaque individu est le corps.
Etre présent à soi même, c’est aussi être
conscient de sa réalité corporelle. Les
manifestations physiologiques de l’anxiété
sont nombreuses (souffle coupé,
transpiration, tête vide, …). Elles sont à
dominante respiratoire et tensionnelles.
Développer des compétences corporelles est
donc pertinent dans l’optique de la timidité
ou plus généralement de l’anxiété sociale.
« Le
premier
support est le corps »
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de
page
Affirmation
de soi
L'affirmation
de
soi est décrite par Alberti et Emmons,
premiers auteurs sur le sujet (1970)
comme un "comportement qui permet à une
personne d'agir au mieux de son intérêt,
de défendre son point de vue sans
anxiété exagérée, d'exprimer avec
sincérité et aisance ses sentiments et
d'exercer ses droits sans dénier ceux
des autres".
Les
techniques
d'affirmation de soi visent donc à
développer le compétences sociales
verbales et non-verbales. Ces techniques
sont conseillées à toute personne
souffrant d'anxiété sociale. Dans le cas
d'une timidité relative, elles vont être
directement efficaces et parfois
suffisantes. Dans le cas de troubles
anxieux plus développés, si elles ne
représentent pas LA solution, elles
apporteront nécessairement au sujet, à
un moment ou à un autre de son
évolution. La phobie sociale par exemple
peut entrainer un non-développement de
compétences auquel il est parfois utile
et/ou nécessaire de remédier pour être à
l'aise, une fois sorti du trouble
anxieux incontrôlable.
Les
articles
de cette page présentent les notions et
outils essentiels de l'affirmation de
soi.
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de
page
Passif,
agressif
et
affirmé
Prenons
un exemple. Anatole prête sa
tondeuse à Gaspard. Un mois plus
tard, Anatole n'a pas de nouvelles
de Gaspard et de la tondeuse, alors
que le besoin commence à s'en faire
sentir. Dans ce cas de figure, trois
solutions, schématiques : |
1)
Anatole ne fait rien, attend, malgré
le développement amazonien de son
jardin. Résultat : Anatole ne peut
pas tondre son gazon. La forêt
vierge se développe et un orage
conjugal éclate. |
2)
Anatole, ne tenant plus, téléphone à
Gaspard : "Espèce de malpoli! Tu as
une heure pour me rapporter ma
tondeuse!" Résultat : Anatole a une
chance sur trois de récupérer sa
tondeuse (dans un état de
fonctionnement hypothétique)
et se fâche avec Gaspard. |
3)
Anatole va voir Gaspard : "je
comprends que tu en as peut-être
encore besoin, mais je voudrais
récupérer ma tondeuse aujourd'hui"
Résultat : Anatole a de fortes
chances de récupérer sa tondeuse, de
tondre son gazon (et ainsi de sauver
son mariage) et de rester ami avec
Gaspard. |
Dans
le premier cas, Anatole a un
comportement passif, dans le
deuxième cas un comportement agressif,
dans le troisième cas, un
comportement affirmé. |
On peut déduire de cet exemple, qu'un
comportement affirmé :
- Exprime clairement et
fermement son objectif
- Prends en compte
l'interlocuteur, entretient voire
développe la relation
Un
des constituants générateur du
comportement affirmé est donc la notion
d'équilibre (ce que l'on nomme parfois
50/50) :
|
Passif
|
Agressif
|
Affirmé
|
MOI
|
-
|
+
|
+
|
L'AUTRE
|
+
|
-
|
+
|
|
Deséquilibre
|
Deséquilibre
|
Equilibre
|
Haut
de page
Même
si
elle
n’en dépend pas exclusivement, la confiance en
soi est à mettre en liaison avec ce concept
d’affirmation de soi. Nous l’avons
vu : «
On a confiance dans ce qu’on connaît »
et « pour connaître, il faut avoir pu
rencontrer ». La confiance est donc une
affaire d’information.
« il
y
a deux types d’informations, les
informations entrantes et sortantes »
Comme
évoqué,
dans les étapes précédentes, la timidité,
manifestation anxieuse, s’installe comme
un filtre entre soi et l’extérieur :
elle bloque ou déforme les informations.
On se connaît donc moins bien ou mal.
Développer sa confiance en soi, c’est donc
notamment rétablir la libre circulation
des informations. Voici un tableau
récapitulatif (non exhaustif) :
Informations
entrantes
|
Informations
sortantes
|
Compliments
|
Emotions
|
Critiques
|
Besoin,
envies
|
Remarques
extérieures
|
Capacité
à
dire non
|
Marques
d’attention
|
Capacités
diverses
à entrer en contact
|
Informations
entrantes
diverses
|
Informations
sortantes
diverses
|
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de
page
Informations entrantes
Nous
examinerons
d’abord les informations
entrantes.
Ces compétences vous sont étrangères ou
difficiles. Elles peuvent donc vous sembler
superficielles à la première utilisation.
Mais en pratiquant, vous trouverez
rapidement une belle satisfaction à les
développer puisqu’elles nourrissent la
confiance en soi et ainsi le bien-être.
Examinons deux aspects essentiels :
1)
Le compliment :
il fait partie des informations entrantes.
Un compliment, c’est une information, une
évaluation externe provenant de l’extérieur.
L’accepter, c’est se donner les moyens de
mieux se connaître et de développer sa
confiance en soi. Souvent, la personne
timide refuse, récuse le compliment ou le
remet en cause (« non, c’est
rien », « tout le monde peut le
faire ») Alors que ça ne la regarde
pas ! C’est une information externe qui
n’a pas à être déformée par un jugement
interne.
« Accepter
les
évaluations des autres, c’est se donner
les moyens d’un connaissance plus
objective de soi-même »
Comment ?
La
première
et unique chose à faire en matière de
compliment est de l’accepter. Puis de
terminer chaleureusement pour que le
phénomène se reproduise.
Exemple :
« -
Ton
nouveau pantalon est splendide !
-
Merci, ça me fait plaisir qu’il te
plaise ».
2)
La critique :
ressentie comme une profonde remise en cause
voire comme une agression, la critique est
mal vécue. Quelqu’un
nous
donne un avis négatif. Lorsque celui-ci est
émis, la seule solution constructive est
d’en tirer quelque chose d’utile.
Comment ?
Quand
on
reçoit
une critique, vraie ou fausse, peu
importe :
-
On écoute jusqu’à la fin l’interlocuteur, en
étant centré sur lui, sur ce qu’il exprime.
-
Si la critique est floue, comme c’est
souvent le cas (l’interlocuteur lui aussi a
des filtres généralisants…) on reformule,
on aide l’interlocuteur a préciser.
-
Si la critique est vraie, on remercie, si
elle est fausse, on s’affirme, à plusieurs
reprises si nécessaire (disque
rayé : s’affirmer, précisément,
de manière répétée, sans dériver ou se
justifier)
Exemple :
« - Votre travail ne va pas
(affirmation vaste, floue, qui peut
permettre très rapidement à la situation de
dégénérer)
-
Mon travail ne va pas ? (reformulation)
-
Oui, il y a une erreur dans la page du bilan
trimestriel.
-
En quoi me suis-je trompé dans la page du
bilan trimestriel ? (précision)
-
Vous avez oublié une colonne pour la TVA
dans le tableau n°12
-
Oui, effectivement, je vous remercie »
On
le
voit
avec ces deux domaines du compliment et de
la critique, l’important pour tout message
entrant est d’être centré sur
l’autre, d’oublier ses filtres
personnels et de recevoir le message, en le
précisant si nécessaire. Et enfin, d’être
chaleureux pour encourager le compliment ou
désamorcer la critique, prendre soin de la
relation. Dans toute relation il y aura
trois pôles dont il faut prendre soin de
manière équivalente :
Les
informations
sortantes
Les
informations
sortantes sont constituées par tout ce que
nous exprimons. Et en matière de timidité,
il y a là un manque évident. La personne
timide ne parle guère, s’exprime peu. Nous
avons déjà abordé un des axes importants en
ce domaine, l’expression des émotions mais
d’autres notions et compétences sont
importantes.
Les
informations
sortantes sont exprimées essentiellement à
travers l’affirmation de soi. Nous allons
préciser ici cette notion abordée dans le
dernier chapitre. Une affirmation de soi
satisfaisante va répondre à des critères
précis.
Une
bonne
affirmation de soi :
1. Identification
du besoin : « Qu’est-ce
que je veux ? » L’objectif
doit être clair et précis (demander
ou refuser quelque chose, donner une
opinion …)
2. Début
d’affirmation prenant soin de la
relation en prenant en compte
les désirs ou aspirations de
l’autre : « Je sais que ça
n’est pas forcément facile en ce
moment, mais… »
3. L’affirmation
elle-même, calme et sereine :
« … je ne peux pas prendre en
charge ce dossier»
4.
Stratégies : en cas de
resistances ou de difficultés :
Ce que l’on
fait : on adopte la tactique du
disque rayé, en affirmant à nouveau
avec fermeté, en étant plus calme à
chaque réaffirmation.
Ce que l’on ne
fait pas : on ne se justifie
pas, on ne laisse pas la
conversation se développer ou
dériver. On n’offre pas de
prises » à l’interlocuteur.
5. Fin de
l’affirmation prenant soin de la
relation : « Je te
remercie de ton attention… »
|
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Les
obstacles
à l'affirmation de soi
w Peur
du jugement : « Qu’est-ce
qu’il
va penser de moi ? »
« Il va me trouver… »
Nous
rejoignons
là le besoin de reconnaissance
déjà décrit. On peut vivre sans
plaire à tout le monde. Le fait de
ne pas s’affirmer peut être
également l’objet d’un jugement.
En utilisant les outils dans ces
pages, vous constaterez que
l’affirmation de soi bien menée
améliore la relation et donc entre
autres le jugement des uns sur les
autres.Une affirmation de
soi ,respectueuse de l’autre
ne peut qu’entraîner des effets
positifs.
w Peur
d’être
ridicule : « Ils
vont
me trouver idiot ».
Voisine de la peur du jugement,
cette peur est fréquente. Si on
n’a pas besoin de la
reconnaissance pour vivre, on
peut dire également que le
ridicule ne tue pas : là
encore, l’enjeu du discours est
dramatisé. De plus, quelqu’un
qui exprime ses besoins, valeurs
ou émotions n’est jamais
ridicule mais plutôt susceptible
de générer de l’admiration.
w Peur
de l’échec :
« Je
dois
me tromper »,
« Si je n’y arrive
pas, quelle
catastrophe ! ».
Chacun a le droit à
l’erreur et les échecs
sont autant d’informations
pour progresser. Une
erreur n’est pas une chose
atroce mais une preuve
d’humanité. C’est aussi
l’occasion de communiquer
encore plus pour trouver
d’autres solutions.
w Peur
de
déranger :
« Il va me
maudire si je l’arrête dans
son travail »Si on a peur
de déranger, on utilise la
formule consacrée :
« Excusez-moi, j’ai peur
de vous déranger mais je
désirais votre avis ».
L’interlocuteur rassure alors
et devient disponible, car
flatté qu’on ait pris en
compte son désagrément
éventuel et qu’on vienne lui
demander un renseignement.
Par
Jérôme Boutillier,
thérapeute et coach
-
Enseignant à l'Institut
Normand
de Coaching et de Thérapies
Brèves
-
Auteur de Surmonter
la timidité
et de Prendre
la parole en public
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Boutillier -
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